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dimanche 11 mars 2012

Kyonen (去年) - 11 Mars 2011. Un an déjà...

Pays/territoire : Tokyo, Japon


日本の皆さま

昨年のあのむごたらしく、悲しみにあふれた災害の記憶に寄せて、私の思いと深い悼みを、命を失った方々、そして残された家族の方々に伝えたい。新しく来らんとしているこの春、再び希望と幸せが届きますように。

To the japanese people.

In this day of memories about the sad events from last year, i would like to present my respectuous thoughts and my sorrow to all those who falled in that day and to their families. May this new coming spring bring hope and happiness again to all of them.


Dans quelques heures, cela fera un an, jour pour jour, que cela s'est passé... Le tremblement de terre du Tōhoku (東北) de magnitude 9.0 survenu au large des côtes nord-est de l'île de Honshū (本州), à 130 km à l'est de Sendai (仙台). Immédiatement suivi d'un tsunami (津波) de plus de 30 mètres de haut (par endroits) ayant ravagé environ 600 km des côtes nord-est de Honshū et pénétrant parfois jusqu'à 10 km dans les terres,  marquant également le début de la tragédie de Fukushima (福島). Le bilan approximatif s'élève à 21000 morts et disparus.


Le but de cet article n'est pas de retracer une chronologie des évènements ni de citer des faits car de nombreuses autres sources l'ont déjà fait auparavant. Non, la véritable raison pour moi d'écrire cet article est de rappeler au monde et plus précisément à mes lecteurs français cette catastrophe afin que personne n'oublie ce jour, en mémoire des victimes de cette tragédie et aussi parce que j'étais au Japon à ce moment et durant les mois qui suivirent et que je voudrais vous parler de ce que j'ai vu, entendu et ressenti durant cette période.

Je me rappelle de cet après-midi du 11 Mars 2011. Nous étions en cours de japonais à Hirō (広尾) lorsque les secousses ont commencé. Elles furent d'abord légères, devenant  graduellement plus intenses, et notre professeur à posé ses mains sur la table et j'ai pu lire de l'inquiétude sur son visage, mais étant tous habitués aux secousses nous ne nous sommes pas alarmés. Puis ça s'est calmé quelques secondes, le temps que nous aurions eu pour dire "c'est fini" et ça a recommencé, beaucoup plus fort, au point que tout s'est mis à trembler dans la pièce, même les murs, et je me souviens avoir entendu notre professeur répéter  "abunai ! abunai ! abunai !" ( 危ない) -ce qui signifie dangereux- avec une intonation grandissante, et les choses se sont alors précipitées, les secousses devenant de plus en plus fortes. Elle nous a demandé de tous sortir et nous sommes descendus dans la rue. Ce fut la ruée dans l'escalier (heureusement, nous n'étions que 5 étudiants et elle dans la classe) et je me rappelle que nous sommes descendus difficilement tant nous étions secoués. Pourtant, nous n'étions qu'au 2ème étage.

Le bâtiment bleu-gris sur la gauche est mon école et le mur sur la droite celui du temple près du quel nous nous sommes abrités.

Une fois dehors, en raison des risques de chutes d'objets de notre immeuble, j'ai proposé de traverser pour aller sur le trottoir opposé bordé d'un mur avec un jardin et un temple. Les secousses ne cessaient pas, mais s'étaient changées en une sorte d'ondulation du sol : on sentait littéralement qu'une énorme portion de terre se mouvait. Imaginez un serveur ayant sur son plateau un long et fin cylindre et devant monter et descendre une volée d'escaliers. Nous titubions littéralement, et regardant autour de moi, je me souviens de deux choses m'ayant frappé : la première était une mère accroupie sur le trottoir d'en face tenant sa petite fille dans ses bras, la terreur inscrite sur son visage. La deuxième me fait sourire aujourd'hui mais m'a laissé perplexe ce jour là : un jeune japonais, la vingtaine, cigarette au coin de la bouche en train de rouler sur un vieux vélo malgré les conseils de prudence de la police qui fusaient des haut-parleurs dans la rue incitant les gens à s'arrêter et se mettre à l'abri. Une ambiance désagréable me rappelant étrangement la fin de Half-Life 2 à affronter les robots avec la résistance dans les ruines de la ville, et la propagande sur les haut-parleurs. Étrange comparaison je vous l'accorde, mais c'était une situation particulière. En dehors de cela, je me rappelle du ciel, un ciel noir tel que je n'en avais jamais vu au Japon. Je pense que les secousses -du moins les grosses- ont du cesser au cours de la demi-heure suivante, mais je vous avouerais que je ne sais plus vraiment car pendant plus d'un mois la terre n'a pas cessé de trembler, aussi m'est-il difficile de me rappeler exactement les durées. Nous avons interrompu la classe et sommes allés un ami et moi dans un café que je connais pour parler de ce qui venait de se produire. Une fois assis, nous avons du ressortir plusieurs fois en raison des secousses répétitives, les employés craignant un risque potentiel d'écroulement.

Nous nous sommes ensuite rendus à pied à Shibuya (渋谷) où j'ai coupé pour rejoindre la Keio Sen (京王線) et la suivre m'aidant du Gps de mon iphone, et mon ami s'est dirigé vers Nakameguro (中目黒) où il habitait. Nous avons beaucoup marché cet après-midi et ce soir là. Depuis le tremblement de terre jusqu'à être à mi-chemin de chez moi (je pense que cela faisait bien déjà plus de 3 heures que je marchais) je n'avais pu joindre ma compagne, mais enfin un mail : elle était saine et sauve à la maison, ayant réussi à rentrer en taxi. Mais aussi une phrase lourde de sens car à ce moment je ne connaissais pas encore l'étendue de la catastrophe malgré quelques images prises au vol en marchant sur les écrans lcd dans les rues : "c'est horrible, il y a des milliers de morts". Je décidais de lancer une session msn et skype pour contacter ma famille et les rassurer après avoir répondu à son mail. Je méditais durant mon long et lent cheminement sur tous ces morts et la sordide réalité de l'homme face aux éléments, son insignifiance en ce monde. Je marchais aussi vite que je le pouvais étant donné ma fatigue, la souffrance de mes pieds en feu mais aussi des longues files de personnes rejoignant comme moi leur domicile. C'était une sensation étrange que de voir tous ces gens marcher comme moi dans la même direction, et ces policiers à chaque carrefour pour orienter les gens. Nous étions une foule, ni japonais ni français ni javanais, simplement des gens voulant rentrer chez eux au plus vite. Cette communion silencieuse durant ce long cheminement, chacun de nous pensant probablement plus ou moins la même chose, se faisant du souci pour ses proches, sa famille, pour l'avenir, tout cela créait étrangement une proximité telle que jamais en plus d'un an passé au Japon à ce moment, je n'en avais connu. Quand j’eus enfin rejoins la Keio Sen aux environs de Meidaimae (明大前), reconnaissant les environs en raison de mes trajets quotidiens, j’eus un regain de courage et de force pour affronter les derniers kilomètres. Sur ce dernier trajet, j'ai eu également l'occasion de constater la générosité et la solidarité des japonais : des commerçants, à intervalles réguliers, avaient sorti des tables et disposé des gobelets et du thé chaud, ainsi que des biscuits pour nous autres errants, car il faisait très froid cette nuit là, et la marche était longue pour beaucoup d'entre nous. Je finis enfin par arriver chez moi, mais malgré le soulagement de parcourir ma rue cette nuit-là et de savoir que j'allais enfin pouvoir me reposer et retrouver ma compagne, ces quelques centaines de mètres me furent pénibles, souffrant d'un mal aux pieds monstrueux, exténué, frigorifié, mais aussi terriblement songeur et anxieux à l'idée d'apprendre enfin l'étendue des dégâts par la TV et internet. Ce fut une soirée bien triste en vérité et lorsque je vis les images de destruction du tsunami sur l'écran, les larmes me vinrent immédiatement aux yeux, car je réalisais qu'il était impossible que cette catastrophe n'eut fait que quelques centaines de morts, ces images parlaient d'elles-mêmes. Je me rappelle encore très bien d'une vidéo amateur d'un rescapé, filmée depuis le flanc d'une colline montrant maisons, débris et véhicules emmenés par le reflux, avec une cacophonie de klaxons surmontant le bruit de la destruction engendrée par le tsunami : ces klaxons, ce n'étaient pas des alarmes, ce n'étaient pas des klaxons bloqués des véhicules emportés par les flots, ces klaxons c'étaient les personnes prisonnières de leur véhicule voguant vers la mort dans ce dernier vaisseau, emportés par le reflux du tsunami et lançant un dernier appel à l'aide désespéré à l'attention d'une foule impuissante à contrer les éléments et leur porter secours. Je n'ai jamais oublié ce souvenir et ne l'oublierais sans doute jamais. Je n'ai pas non plus oublié cette jolie fillette de 11 ans, véritable poupée nippone, pleurant à chaudes larmes en appelant "Haha ! Haha !" (Maman ! Maman !). En l'espace d'un instant elle venait de tout perdre sauf sa vie... Son père, sa mère, ses frères et sœurs, son oncle et sa tante : tous morts dans un minibus en tentant de rejoindre les collines, elle seule ayant été évacuée à temps de son école.

Il serait inutile d'essayer de décrire l'horreur ressentie par ceux qui se trouvaient là, et ce serait aussi quelque peu indécent, je pense. C'est pour cette raison que je ne posterais aucune photo relative au séisme ou au tsunami, cet article étant dédié, je le répète, à rappeler cette terrible tragédie au monde et à tenter de décrire mes impressions et mes sentiments. Pour revenir brièvement à cette soirée, elle fut très pénible et je me souviens que nous avions laissé la TV allumée toute la nuit car évidemment nous étions dans l'ignorance totale concernant à l'éventualité d'une deuxième secousse. J'ai pour ma part bien mal dormi, par à-coups de 20 minutes en raison des jingles « jishin » (地震) qui spammaient les news à intervalle régulier, annonçant dans les secondes suivantes une secousse. Pendant plus d'un mois la terre n'a cessé de trembler et je peux vous garantir qu'après un séisme de cette ampleur, japonais ou pas, vos nerfs sont rudement mis à l'épreuve car à chaque secousse qui dépasse les 10-15 secondes habituelles vous vous demandez si "ca y est"... 

Quoi qu'il en soit, je voudrais ici exprimer ma tristesse pour le peuple japonais que j'aime tant, car tremblement de terre et tsunami ne suffisaient apparemment pas, et il aura encore fallut par-dessus le marché la catastrophe nucléaire de Fukushima, avec tout ce que cela englobe, et le sujet n'est pas et ne sera sans doute jamais clos. Nous (je me permets de m'englober dans ce "nous" étant donné que j'habite au Japon et ne l'ai pas quitté durant cette période) n'avons pas même eu le temps de dénombrer les morts et de les pleurer, car la situation alarmante à Fukushima Daiichi (福島第一) s'est rapidement dégradée, et sommes sans doute passés par tous les stades allant de l'espoir à la colère, en passant par l'indignation et même la terreur. Le flou de TEPCO ainsi que l'omerta médiatico-gouvernementale ont grandement contribué à augmenter les craintes et accentuer le sentiment que personne ne maitrisait plus rien et que nous allions droit vers la catastrophe (faits avérés à présent) et je crois que le peuple japonais à cette fois définitivement perdu confiance en son gouvernement, même s'il reste solidaire et courageux face à l'adversité. Pour être franc, voyant les choses dégénérer de la sorte j'ai immédiatement songé à Tchernobyl et au danger imminent pour nous, n'étant qu'à 200km environ de Daiichi. Sachant que la mégapole comprend 35 millions d'habitants, je savais pertinemment qu'il n'existait aucun moyen d'évacuer d'urgence autant de personnes et que si le vent tournait, en 1 heure ou moins nous pouvions être contaminés (chose faite d'ailleurs) sans compter la panique qui s'en suivrait et probablement l'impossibilité de quitter alors Tōkyō (東京).

En conséquence, j'ai naturellement songé à nous mettre à l'abri ma compagne et moi en suivant les recommandations de l'ambassade (tant critiquées mais pourtant loin d'être si alarmistes lorsque l'on retrace la chronologie des évènements et que l'on observe les données disponibles à présent) et en nous éloignant de la capitale afin d'observer l'évolution de la situation depuis Kyōto (京都). Je me suis alors heurté à cet esprit typiquement japonais, fataliste et solidaire, et je dois avouer que j'ai eu à prendre une des décisions les plus difficiles de ma vie, sachant que les conséquences pouvaient être irréversibles : rester ici avec ma compagne ou fuir. Je suis resté pour elle et malgré la pression familiale. Hélas la situation à continuer à dégénérer et c'est finalement elle-même qui m'a envoyé un mail d'urgence du travail me disant de préparer notre valise pour Kyōto où nous sommes donc partis en Shinkansen (新幹線) le soir-même. Nous avons toujours adoré Kyōto qui est vraiment ma ville préférée au Japon, mais ce séjour fut bien le plus triste que nous y ayons fait, et nous avons tous deux été choqués de voir que là-bas, c'était comme "avant", le Japon actif sans contraintes, sans coupures de courant, sans aliments contaminés, sans pénurie de bouteilles d'eau, où les gens riaient dans la rue et sortaient pour aller manger et boire, etc. Un autre monde en quelque sorte... Nous étions totalement déphasés par rapport à cette population qui ne semblait pas vraiment avoir conscience de ce qui se déroulait plus haut dans le Nord-Est. Le retour fut difficile pour moi, et c'est avec beaucoup de résignation et de crainte que je revins à Tōkyō où nous allions désormais réapprendre à vivre en changeant nos habitudes, en instaurant de nouvelles règles alors qu'il n'y en avait pas avant : boire de l'eau en bouteille, vérifier la provenance de nos aliments, de notre thé, de tout en fait. Je suis allé depuis dans le Tōhoku, une région superbe qui me rappelle bien souvent ma propre région natale, pour rencontrer sa famille originaire de Morioka (盛岡), et visiter un peu (voir billets précédents). J'y retournerais dans moins de 2 mois. Les choses ont évolué, enfin, mais peut-on vraiment prétendre que nous avons gagné cette bataille ? Qu'en est-il de la région impactée et de ses habitants devant jour après jour s'alimenter avec des denrées contaminées et vivre dans un environnement contaminé ? Croyez-vous vraiment que cela se limite aux 20, 30, 50 ou même 100 km autour de Daiichi ? Nous avons même ici à Tōkyō des "hots spots" qui n'ont rien à voir avec le wifi vous vous en doutez et cela continuera malheureusement, même si le gouvernement continue à essayer de rassurer la population à coup de marketing touristique pour le Tōhoku et de publicités frisant la propagande. Sachez néanmoins que la plupart des japonais avec qui j'ai parlé en sont parfaitement conscients et ne sont pas les moutons que certains aiment à décrire, ils ont simplement une autre manière de gérer leurs conflits, c'est là leur façon d'être, leur culture. J'ai moi-même eu beaucoup de mal à accepter cette ignorance dans laquelle le gouvernement nous a laissé, impensable en Europe, cela aurait totalement dégénéré compte tenu de nos rapports et de notre propre culture. Des actions sont entreprises à bien des niveaux et beaucoup de choses ont été faites en l'espace d'un an concernant la reconstruction et la décontamination de certains lieux (lorsque c'est possible évidemment) ainsi que la relocalisation des victimes, mais c'est insuffisant et beaucoup de problèmes restent encore en suspens, beaucoup de questions restent sans réponse également. Il y a encore aujourd'hui quantité de personnes vivant dans des conditions précaires aux alentours de la zone sinistrée, attendant d'être relogés, et certaines même pensant qu'elles pourront un jour réintégrer leur domicile... J'aurais aimé écrire davantage concernant la gestion de cette crise par TEPCO et le gouvernement japonais, ainsi que le rapport vis-à-vis des médias tant étrangers que nippons, mais je ne veux m'engager dans une trop longue polémique.

Encore une fois, j'aimerais revenir sur ce jour, un an après, et la situation pénible qu'endurent encore maintenant les survivants de cette tragédie, afin qu'ils ne soient pas oubliés. Il était important pour moi de rappeler cet évènement dans la mémoire des gens afin d'honorer ceux qui sont tombés, victimes de cette terrible catastrophe, ainsi que ceux qui les pleurent et se battent pour reconstruire une vie. Je veux également honorer le combat mené par ceux qui se sont dévoués à lutter à Daiichi afin d'empêcher la catastrophe de gagner en ampleur, héros volontaires ou forcés, sachant pertinemment quel destin les attendait.
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Puisse le Japon enfin panser ses blessures, et retrouver sa joie de vivre d'antan.

日本が受けた傷が早く癒えますように。幸せがまた戻ってきますように。

May Japan heal its wounds, and recover its past joy of life.

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